Production laitière caprine
L'acidose chez la chèvre laitière et l'usage du carbonate de potassium (K2C03): impact sur les composantes du lait et la production (15-CL-266)
- Période: 2015-01-01 2016-01-01
Documents
Informations complémentaires
Communications et publications
Dion S., ME. Brassard, J. Lévesque, R. Gervais, PY. Chouinard. 2017. L’acidose chez la chèvre laitière et l’usage du carbonate de potassium (K2CO3) : impact sur les composantes du lait et la production. Rapport final, 30 novembre, Deschambault, Québec, 25 pages.
S. Dion, M.E. Brassard, J. Levesque, R. Gervais, and P.Y. Chouinard. 2017. Effect of dietary potassium carbonate on milk fat concentration and yield in early-lactating dairy goats fed a high-concentrate diet. Journal Dairy Science, Vol. 100, Suppl. 2, p. 125. (<link https: www.adsa.org abstracts>www.adsa.org/2017/abstracts/124.pdf)
Présentation du projet
Objectif du projet
Évaluer les effets du carbonate de potassium (K2CO3) comme traitement dans la prévention ou la correction de la chute du taux de la matière grasse du lait de chèvres laitières nourries en début de lactation avec une ration riche en concentrés.
Résumé
L’ajout de K2CO3 dans les rations des chèvres en début lactation pourrait permettre de prévenir la chute du taux de gras du lait via des apports i) en carbonate, ce qui permettrait de contrôler l’acidose du rumen par l’effet tampon ii) en potassium, ce qui augmenterait la différence alimentaire cations-anions (à privilégier dans ces conditions). Ces effets combinés pourraient prévenir ou limiter la production des intermédiaires de la biohydrogénation dans le rumen qui sont impliqués dans la réduction de la synthèse des matières grasses du lait. Les indicateurs de ce changement dans le lait sont les acides gras C18:1 trans-10 et C18:2 trans-10, cis-12, ainsi que le rapport C18:1 trans-11 / C18:1 trans-10. Dans le but d’évaluer ces effets, 30 chèvres de race Alpine en début de lactation, alimentées individuellement à partir du chevrotage grâce à un système de portes Calan, ont reçu une ration totale mélangée (RTM) dont le rapport fourrages : concentrés était de 55 : 45, sur une base de matière sèche (MS), durant une période pré-expérimentale de (27 ± 4 jours post-partum). Après cette période d’adaptation, un dispositif expérimental en blocs aléatoires complets (10 blocs de 3 chèvres) a été appliqué durant deux périodes expérimentales de 28 jours. Durant ces phases, les chèvres ont reçu une ration acidogène contenant 45 % de fourrages et 55 % de concentrés (base MS), les facteurs de blocage étant la date de chevrotage, la parité (primipare et multipare) ainsi que le taux de matières grasses du lait. À l’intérieur de chaque bloc, les chèvres étaient subséquemment assignées de façon aléatoire à un des trois traitements suivants : 1) la ration acidogène sans supplément pendant les deux périodes expérimentales (1 et 2), identifiée comme témoin ; 2) la ration acidogène avec supplément de K2CO3 (1,6 % de la MS) durant les deux périodes, identifiée comme traitement préventif; et 3) la ration acidogène sans supplément pendant la période 1 suivie de la ration avec supplément de K2CO3 en période 2, identifiée comme traitement curatif. Les rations étaient composées d’ensilage de mil, d’ensilage de luzerne, de fin gluten, de maïs concassé et d’un mélange de vitamines et minéraux. La collecte des données (poids, consommation, production laitière) et des échantillons (liquide ruminal, lait, RTM, refus, sang) a été réalisée au cours des cinq derniers jours de la période préexpérimentale et des deux périodes expérimentales. Divers paramètres tels les composants (matière grasse, protéine, lactose, urée, cellules somatiques) et le profil en acides gras du lait, le pH, les AGV et l’N-NH3 du liquide ruminal, l’hématocrite, les concentrations d’électrolytes (Na+, K+, Ca2+ et Cl), le HCO3-, le pH et la pression partielle de CO2 et d’O2 sanguins ont été mesurés. L’apport d’une ration riche en concentrés en début de lactation (rapport fourrages : concentrés de 45 : 55) a eu des répercussions à long terme sur les performances des chèvres laitières et a provoqué une inversion des composants du lait au terme des 56 jours de traitement. Des répercussions sur la teneur et la production de la matière grasse du lait de même que sur le rapport matière grasse : protéine ont été observées à la suite d’une alimentation riche en concentrés pendant 56 jours. Respectivement, ces paramètres sont passés de 4,27 %, 173 g/j et 1,25 en période préexpérimentale à 3,58 %, 151 g/j et 1,04 en fin de période 1 et puis jusqu’à 3,38 %, 137 g/j et 0,99 en fin de période 2 pour le groupe témoin.
Incorporé au taux de 1,6 % de la MS à une RTM, le K2CO3donné de façons préventive et curative n’a pas permis de prévenir ou corriger une inversion des composants du lait chez des chèvres alimentées d’une ration riche en concentrés. En effet, le taux et la production de la matière grasse, ainsi que le rapport matière grasse : protéine du lait des chèvres qui recevaient préventivement du K2CO3 en période 1 comparé au témoin sont restés les mêmes (3,58 %, 151 g/j et 1,04 vs. 3,67 %,148 g/j et 1,09). Le même phénomène est apparu en période 2, où ces paramètres respectifs ont été de à 3,44 %, 126 g/j et 0,97 pour le traitement préventif, de 3,25 %, 113 g/j et 0,96 pour le traitement curatif et de 3,38 %, 137 g/j et 0,99 pour le groupe témoin. Les chèvres recevant le K2CO3 de façon préventive ont obtenu une prise alimentaire plus faible que les chèvres sans supplément dans leur RTM en période 1 (2,57 vs. 2,91 kg MS/j; p < 0,02). En période 2, les chèvres qui ont reçu de façon curative la ration avec K2CO3, comparé aux chèvres du traitement témoin, ont obtenu également une prise alimentaire plus faible (2,35 vs. 2,74 kg MS ; p < 0,02). La diminution de la consommation pourrait avoir été provoquée par l'inappétence du K2CO3. D'ailleurs, certaines études attribuent la diminution de la prise alimentaire chez des veaux recevant des rations contenant deux niveaux de K2CO3 (2 et 4 % à la faible palatabilité du produit. Malgré cela, la production laitière des chèvres n'a pas été différente entre les traitements pour chacune des périodes.
Comparativement au groupe témoin, le rapport des acides gras du lait C18:1 trans-11 : C18:1 trans-10 a diminué dans le temps de 32 % en période 1 et de 29 % en période 2 par rapport à la période préexpérimentale. Ceci indique que les bactéries du rumen ont favorisé le sentier de la biohydrogénation du trans-10 au détriment du trans-11 lorsqu’une ration riche en concentrés était offerte pendant 56 jours. Ces résultats sont associés en général à un risque plus élevé de réduction de la matière grasse du lait. Aucun effet du K2CO3 n’a été observé de manières préventive et curative en périodes 1 et 2 pour ces acides gras du lait. Finalement, la consommation de ration riche en concentrés pendant 56 jours n’a pas provoqué de changement majeur du pH et des AGV du contenu ruminal des chèvres et des divers paramètres sanguins mesurés. Cependant, l’N-NH3 est passé de 15,3 mg/100ml en préexpérimentale à 11,5 mg/100ml en période 1 et 9,8 mg/100ml en période 2 dans le rumen des chèvres. L’augmentation de 45 à 55 % de la teneur en concentrés de la ration des chèvres a augmenté l’énergie disponible pour les bactéries du rumen, ce qui aurait permis à ces dernières d’utiliser plus efficacement l’N-NH3 présente dans le rumen. Ceci peut expliquer la baisse qui a été observée dans le temps. Quant au supplément de K2CO3 incorporé à la ration des chèvres de façons préventive et curative, aucun effet majeur n’a été observé pour les paramètres ruminaux et sanguins.
L'acidose et conséquemment les inversions des composants gras: protéine occasionnent des pertes en lait de 64 $ par chèvre, si l'on considère la période des 120 premiers jours de lactation. Cette de baisse de production représente une perte de revenu sans compter les impacts à long terme de l'acidose sur la santé des chèvres (ex.: boiterie) et potentiellement sur la productivité en milieu et fin de lactation. La problématique de l'acidose et des inversion de composants du lait sont récurrentes et présentes au sein des élevage caprins québécois. L'usage d'alternatives alimentaires comme le K2CO3 permettant de minimiser les impacts négatifs de l'acidose sur la santé des chèvres et le revenu de vente de lait représentent une solution viable et rentable pour les producteurs.
Applications attendues
Selon les données de cette étude, la hausse des concentrés au taux de 55 % de la MS, dans la ration des chèvres en début lactation, altère les performances laitières et par enchaînement réduit la qualité du lait ainsi que les revenus de l’entreprise agricole. Le respect d’un ratio optimal entre les apports des fourrages et des concentrés à la ration des chèvres en début lactation est primordial.
L’ajout d’un supplément de K2CO3, de façon préventive ou curative lors d’un épisode d’acidose subclinique, n’a pas permis d’éviter le risque d’obtenir une inversion des composants du lait chez des chèvres en début de lactation recevant une ration riche en concentrés. De plus, cet additif n’a pas été un moyen rentable pour améliorer la situation financière des producteurs puisque la marge brute (revenu de vente du lait moins le coût d’alimentation), par rapport à une ration acidogène sans supplément de K2CO3, a été inférieure de 0,49 $ / chèvre / jour et de 0,50 $/ chèvre / jour lorsque ce produit commercial était utilisé de façons préventive et curative.